Qu’est ce qu’une communauté humaine?
Les communautés humaines font partie de l’inpensé des sciences humaines et sociales et, par suite, les problèmes et solutions qui s’y rapportent sont absents des préoccupations des experts, techniciens et spécialistes. Le détournement du sujet communautaire est patent surtout dans notre pays où seules les visions archaïques prédominent. C’est à un antihumanisme idéologique et pratique que cela entraine.
SOMMAIRE
I – QUELQUES PROBLEMES ACTUELS
II – DES MODELES SOUS-JASCENTS ET LEUR LOGIQUE
Le modèle de l’emprise et de la possession
Le modèle de la structure orthopédique-rationaliste
Le modèle du système naturel-néo-mécaniste
Le modèle de la communauté de personnes
III – LA THEORIE DES COHERENCES ET LES COMMUNAUTES HUMAINES
Les communautés humaines et leur univers propre
Les âges et les espaces des communautés
IV – LA THEORIE DES COHERENCES CULTURELLES
La culture : Une part d’humanité
La personnalité culturelle
L’identité culturelle
Culture et civilisation
La vocation culturelle
Les cultures sont en charge de problématiques humaines
Les caractéristiques d’une vocation culturelle
Comment trouver et cultiver une vocation ?
I – QUELQUES PROBLEMES ACTUELS
Notre façon de comprendre le monde et de justifier nos actions dépend du Sens du regard que nous portons individuellement mais surtout collectivement sur la réalité.
Notre vision des affaires collectives est en rapport avec notre vision de nous même.
Ainsi l’on peut comprendre aisément qu’à une vision individualiste prédominante correspond une conception des groupes humains comme collection d’individualités et réciproquement.
A la position de Durkeim qui voulait que les phénomènes sociologiques n’aient comme cause que des faits sociologiques, correspond ce clivage de plus en plus grave entre une appréhension formelle, abstraite, impersonnelle du collectif et une perception de plus en plus privative des questions individuelles.
Structure abstraite, technocratique, juridisme, systématisation, d’un côté et enfermement dans la sphère du privé des déterminations personnelles avec des systèmes de défenses et d’agression réciproques de plus en plus tendus.
La tension immunitaire des rapports individualistes sombre en dépressions immunitaires avec ses différents syndromes.
Ainsi il en va du collectif traité comme "système abstrait" d’un côté ou comme "individualité" soumise à une nécessité préservatrice (GATT, etc.) pour éviter la contamination par la pollution et le danger de l’altérité (Yougoslavie).
Diverses visions du collectif sont simultanément à l’oeuvre, comme on le verra, et tout cela marque une crise qui se traduit par une incapacité grandissante à maîtriser en pensée et en actes les phénomènes de communautés humaines.
Nous développerons ici une nouvelle conception des communautés en tant que phénomènes humains pour apporter un éclairage qui, au-delà de l’intelligence des situations qu’il procure, permet d’entreprendre concrètement de nouvelles pratiques.
Aujourd’hui cela concerne de très nombreux responsables.
Les politiques, au premier chef, du moins ceux qui s’interrogent à juste titre sur leur rôle, sur les situations nouvelles du monde d’aujourd’hui et bien souvent sur la façon de redonner Sens et dynamisme aux régions dont ils sont les élus.
A ce titre, par exemple, les questions de développement s’enlisent dans la contradiction qu’il y a entre le sentiment que se posent des problèmes de fond inhérents à la civilisation même, à l’identité et la volonté de progrès des populations et, par ailleurs, la surenchère technico économique et administrative où sont recherchées, sans véritablement y croire, des solutions dont on connaît déjà l’échec annoncé.
Le pragmatisme éclairé par le fameux réverbère où se trouve la lumière mais où ne se situe pas le problème est le pari de tous ceux dont on ne sait si c’est vanité ou superstition qui les anime.
Le monde rural est devenu presque partout un territoire anémié et les trajectoires actuelles ne seront pas changées si rien ne touche au Sens même de la vision de l’avenir, à la logique de pensée et d’action, au conSensus des populations.
Le monde urbain ne cesse de s’abîmer selon les prévisions déjà fort anciennes de nombre d’observateurs. Les problèmes de quartiers en sont un des symptômes.
Mais si la ville n’a d’autre Sens que l’agglomération des individus rien ne permet de penser que les pathologies sociales inhérentes ne vont pas s’amplifier malgré l’héroïsme de quelques isolés aux prises avec les trop nombreux spécialistes du "traitement de surface".
Là aussi l’aménagement des espaces se substitue au développement humain.
L’intégration ou plutôt la désintégration du tissu social est de plus en plus patente. Seuls ceux qui ont les yeux fixés sur l’idée de société et qui ne voient plus les gens ne s’en sont pas encore aperçus. Or, les "explications économiques" qui, pour beaucoup, sont notoirement insuffisantes ne laissent place à aucune alternative claire. Une intelligence de ce qui fait l’intégrité d’une communauté humaine serait sans doute indispensable pour comprendre ce qui y porte atteinte et y porter remède, faute de quoi, on connaît le vieux réflexe : "toujours plus de la même chose" qui aggrave la situation.
L’Europe est singulièrement, et on verra pourquoi, le théâtre de cette carence dans la compréhension et la maîtrise de l’intégrité des communautés nationales, régionales, ethniques, etc. D’un côté un surcroît d’administration technocratique pour normaliser l’ouverture au politique de l’union Européenne et d’autre part, le bouclage individualiste, aux prises avec la dialectique libre échange / protectionnisme qui ne fait que souligner l’ambition sur l’autre ou la peur de lui.
Comment préserver et même mieux enrichir l’intégrité de chaque communauté et réaliser l’intégrité commune de l’Europe. Faut-il chercher pour cela un lien juridique, spatial, économique, culturel ? Mais au fait quel est la nature du lien qui noue en une même communauté un ensemble de personnes et ce de façon très durable bien souvent.
C’est aussi le problème que les grandes organisations qui se veulent adaptées à l’évolution du moment, ont à assumer. La tentation est bien trop souvent de transformer une communauté d’entreprise en une autre, de "changer de culture", comme on dit, ce qui porte d’ailleurs atteinte à son intégrité.
Seule cette intégrité permet d’assumer le changement pour les personnes comme pour les groupes humains. Vouloir être quelqu’un d’autre est toujours mauvais pour la santé.
Qu’en est-il des mutations actuelles dans tous les domaines, faut-il devenir autre ou au contraire faut-il cultiver l’intégrité propre qui nous permet de rejoindre celle des autres pour former ainsi des communautés humaines ?
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II – DES MODELES SOUS-JASCENTS ET LEUR LOGIQUE
Pour bien situer l’intérêt de la question nous allons mettre en perspective quatre conceptions de ce qui forme une communauté humaine pour en apercevoir les soubassements et les conséquences.
1 – LE MODELE DE L’EMPRISE ET DE LA POSSESSION
L’idée maîtresse est que le lien qui rassemble est une emprise exercée sur les personnes. Une force de type affectif, pulsionnelle notamment, entraîne malgré eux, par envie ou par crainte, des individus à se souder, à s’amalgamer. Ce lien qui s’impose sera confondu avec l’entité confondante : le règne d’un pouvoir, le territoire, le sang, la race, la terre, le peuple, etc. Toutes sortes d’entités, au statut suprahumain, seront appelées à la rescousse pour justifier et garantir l’unité qui est en fait celle d’un champ d’emprise.
Evidemment tout autre "champ d’emprise" est rival, ennemi ou allié selon les opportunités mais toujours menace et champ de convoitise.
Alors les lois de la séduction et celles de la guerre sont les seules connues pour traiter des rapports entre les groupes humains et les humains en groupe. Elles occupent la pensée et les projets réels d’un grand nombre de nos contemporains que les territoires soient économiques, ceux des états, des régions, des ethnies, des religions et autres groupes soumis au Sens de la possession.
Sur le fond, cette logique repose sur une vision "animaliste" de l’homme où l’animant est puissance pulsionnelle.
Sur les conséquences, il faut noter la logique prédictive qui ressortit du Sens, de cette vision, où ne s’aperçoit que ce que cette cohérence autorise : des histoires de pouvoir. L’intégrité collective ne tient qu’à la force d’emprise qui maintient la cohésion.
2 – LE MODELE DE LA STRUCTURE ORTHOPEDIQUE – RATIONALISTE
Dans le Sens de cette considération, la société est une organisation structurée en vue d’un progrès qui est progrès de la Raison humaine. La société se construit donc par rationalisation, c’est-à-dire établit et normalise des rapports (ratios) entre les individus et les groupes. Rapports économiques, juridiques, politiques, techniques, etc.
Chaque individu a pour mission de s’évertuer à participer à l’édifice social et à son édification permanente selon tous les registres de celle-ci. Sans cette structure ordonnée, il n’y aurait pas de lien entre les individus donc pas de société ou des sociétés primaires quasi animales. Telle est la croyance.
Ainsi, par exemple, construire l’Europe consiste à établir la structure juridico-administrative, économico-politique où les procédures tiennent lieu de dynamique et où l’intégration consiste à entrer dans les cadres normatifs ainsi établis. Cela est vrai pour le développement, l’urbanisme, les organisations et même la démocratie.
Cette logique rationaliste érige sa vertu à l’encontre de la logique de possession mais elles nous sont familières l’une et l’autre depuis des siècles dans leur antagonisme traditionnel.
3 – LE MODELE DU SYSTEME NATUREL – NEO-MECANISTE
Les sociétés humaines sont alors conçues comme des systèmes d’interactions dans lesquels les individus tiennent les places qui leur sont assignées par les lois de la nature. Ce sont les mêmes lois, "scientifiques" pour certains, qui régissent ces systèmes : économique, social, écologique, etc.
L’individu y est en position paradoxale, celle d’agent entièrement conditionné par les lois naturelles qui le relient aux systèmes et celle d’individu "autonome" ou plutôt "auto-mobile", libre de circuler dans les canaux de circulation des différents réseaux. En fait, il est pris entre profiter et subir et cette dualité fait clivage entre inséré non inséré. L’intégration se fait au prix de l’adaptation / identification au système et ses formes et modes.
Il ne s’y pose que des problèmes d’équilibre, de circulation, de dysfonctionnement, de réparation mais aussi de clivage ; il y a les inclus et les exclus.
Mais l’élimination n’est-elle pas une loi de la nature soutiendra-t-on pour laquelle les "recyclages" sont la bonne réponse.
L’homme n’a ici rien de spécifiquement humain, il n’est qu’un produit de la nature, le pire pour certains qui lui trouvent des velléités contre nature. Nous sommes en plein modernisme mais aussi naturalisme-traditionaliste.
4 – LE MODELE DE LA COMMUNAUTE DE PERSONNES
Il s’agit là d’une conception à la fois, semble-t-il, classique, et en même temps radicalement neuve dans le temps présent.
Classique par le fait que la communauté n’y est rien d’autre que le rassemblement de personnes humaines selon le jeu des rencontres, relations, filiations qui constituent des unités conjoncturelles même si elles durent des siècles.
Cette conception est radicalement neuve si on va jusqu’à dire que les communautés sont des phénomènes de nature humaine. Cela veut dire que leurs racines comme les modalités de leur existence n’ont pas d’autre contenu que ce qui appartient à la nature humaine, celle des personnes.
Autrement dit, il faut définir ce qu’est une personne humaine dans son individualité existentielle mais aussi dans sa transcendance pour comprendre ce qui est mis en commun et ce que cela implique pour les personnes et pour les communautés.
Concernant l’individualité existentielle les dimensions psychologiques ou biologiques peuvent bien aider à décrire, si on s’y emploie, les phénomènes de communauté.
Concernant les racines transcendantes de la personne et donc la mise en commun à ce niveau, cela n’intéresse pas les sciences dites humaines et cela réclame une anthropologie fondamentale à laquelle la théorie des Cohérences Humaines s’attache.
L’intégrité des communautés humaines est liée à la mise en commun des intégrités personnelles dont les modalités visibles ne sont que la surface manifeste.
A la critique qui voudrait que l’on puisse définir une société sans avoir à prendre position sur la nature de l’homme, nous renverront le fait qu’elle reste un jugement humain dont il serait juste de questionner les présupposés.
III – LA THEORIE DES COHERENCES ET COMMUNAUTES HUMAINES
C’est d’abord sur ce terrain de l’anthropologie fondamentale que se situent ses apports. Contrairement au mouvement d’abstraction dominant qui se croit maître du concret malgré ses échecs, c’est en plongeant au fond des questions humaines que l’on retrouve les déterminants des problèmes de communautés.
Ce n’est pas en faisant appel à une représentation idéelle et au fonctionnement d’un mécanisme démocratique que l’on résout le problème de l’élection massive par une population de son tyran dont l’étendue des nuisances peut déborder sur d’autres communautés qui n’ont jamais été consultées. Faut-il au-delà du cas de Hitler, énoncer les lieux de plus en plus nombreux où les problèmes se posent ?
Va-t-on ainsi continuer à croire et à faire croire que les supposés mécanismes économiques fonctionnent indépendamment des intentions humaines profondes et réelles des "agents économiques", des motivations réelles des humains.
En ce qui la concerne, la théorie des Cohérences Humaines se déploie en trois volets :
Un volet de connaissance de la personne humaine dans ses différentes dimensions et aussi dans le fait que tout ce que nous étudions s’explique par le fait qu’il s’agit toujours d’expérience humaine.
Autrement dit, toutes les affaires humaines sont des phénomènes humains qui ne se comprennent qu’en tant qu’expériences des personnes humaines et qui dépendent exclusivement de leur nature d’être humain.
Cela est peut être difficile à comprendre par le fait des conditionnements qui nous font prendre des habitudes de pensée pour des vérités intangibles.
En la matière, pour les questions qui nous préoccupent, il faut rompre avec les croyances fondées sur l’annulation du sujet et de la personne humaine dans l’analyse des phénomènes d’expérience humaine et l’élaboration humaine des savoirs humains à ce propos.
Ainsi, on le verra, c’est par la connaissance de l’humain qu’on pourra comprendre les problèmes, les affaires, les réalités humaines et notamment le phénomène de communauté humaine.
Le renversement de point de vue toujours forcément (humain) bouleverse les possibilités d’intelligence et d’action sur ces questions.
A la base, s’il y a une compréhension de la personne selon ses deux niveaux, le second plus familier est celui de l’individu dont on pourra reconnaître les dimensions affectives, mentales et corporelles, facettes d’une même structure dite "cohérencielle" de l’individu.
Il y trouve aussi sa dimension de sujet, c’est-à-dire porteur d’intentions, sa dimension d’objet en tant qu’élément d’un monde d’altérités et sa dimension historique par le fait qu’il vit une histoire particulière faite d’évènements, d’évolutions, de réussites et d’échecs et de mille perspectives et engagements qui font une existence humaine.
Mais tout cela est la présence au monde de l’individu, elle est celle de quelqu’un, d’une Instance dont c’est là l’existence. La grande nouveauté ici est de ne pas se contenter d’en pointer la transcendance mais de considérer aussi qu’elle est faite de Sens, des Sens humains de toutes choses, de tous les Sens possibles qui constituent la racine de son humanité.
Si les responsables et praticiens trouvent cette hypothèse extravagante, il faut attirer leur attention sur son extraordinaire fécondité explicative et aussi, on le verra, pour tout ce qui est orientation (choix de Sens) et tout ce qui est engagement de l’action (humaine).
Dans chaque situation, nous sommes présents existentiellement par l’investissement de notre individualité dans toutes ses dimensions (évoquées plus haut). Mais nous y sommes impliqués par les Sens qui sous-tendent en nous cette façon d’exister. L’un de ses Sens se trouvant dominant, c’est ce Sens là que nous donnons alors à la situation et à nos actes. Nous donnons le Sens parce que nous le sommes dans notre Instance et que c’est selon ce Sens que nous sommes intérieurement disposés. Le Sens est donc cette disposition intérieure dont nous sommes en définitive responsable.
Le second volet est lié au Sens et plus précisément au choix de Sens. Il n’est pas indifférent sinon il n’y aurait pas de Sens. Tout questionnement, toute recherche, tout engagement seraient alors vains.
S’il y a du Sens c’est qu’il en va du choix d’un bien. Il en va profondément de la question du Bien de l’homme mais aussi des traductions et critères de ce Bien. Chaque fois que l’on veut résoudre un problème, progresser, entreprendre, engager un projet, nous supposons implicitement établis le Sens et les critères du Bien.
C’est cependant une question grave : de liberté, de responsabilité, de maîtrise, d’éthique. La théorie des Cohérences Humaines éclaire tout cela.
Le troisième volet est celui de la pratique , nous n’en n’indiquerons ici que quelques aspects. L’existence d’une méthodologie et de techniques fondées sur la maîtrise du Sens, soit pour l’élucider, soit pour aider à le choisir, soit pour le retraduire en projets et réalisations.
Ces pratiques sont fondées sur une "intelligence symbolique" qui aperçoit et prend en compte le Sens au-delà des phénomènes apparents. Elles mettent en jeu le coeur de l’homme comme vecteur et moteur de toute action.
Cela veut dire que l’on va travailler plutôt du côté des hommes que du côté des choses, du fond que de la forme, de l’essentiel que de l’accessoire. Cela ne veut pas dire que le niveau commun des affaires humaines ne sera pas pris en compte mais qu’est rétabli, pour l’efficacité, l’ordre entre ce qui est déterminant : le Sens en l’homme et ce qui vient en second pour l’action : les modalités et techniques d’arrangement des choses.
1 – LES COMMUNAUTES HUMAINES ET LEUR UNIVERS PROPRE
Les développements précédents étaient indispensables pour resituer, bien sommairement encore, les racines de cette compréhension du phénomène de communauté humaine.
Parlant de communauté humaine, il faut tout d’abord sortir des modèles prédominants où il s’agirait d’une collection d’individus. Ces individus pourraient être, après tout, n’importe quoi : animaux, végétaux, objets, institutions, etc.
Il faut entendre ici que les communautés humaines sont d’un tout ordre parce qu’elles sont de nature humaine.
Autrement dit, elles sont faites de la mise en commun de quelque chose des personnes humaines.
Or, ce qu’elles ont à mettre en commun, c’est leur humanité ou du moins une part d’humanité.
En vertu de ce que l’anthropologie précédente éclaire, il s’agit, d’un côté, d’une mise en commun de Sens et on parlera alors de ConSensus et, de l’autre, de ce qui relève de l’ordre humain existentiel avec les composants et dimensions que l’on a vu, celles de la structure cohérencielle de l’individu.
Le point nouveau à ce propos est le suivant. Tout l’univers d’existence d’une communauté n’est rien d’autre que l’expérience conjointe de leur conSensus par les personnes impliquées.
Ainsi on peut dire que la communauté est, sur le fond, un partage d’humanité, c’est-à-dire de Sens, dans un ConSensus et que cela se manifeste comme l’univers (uni-vers…) de cette communauté y compris avec la présence individuelle des personnes.
Les communautés humaines ont donc comme les personnes deux niveaux, l’un qui est un ensemble de Sens mis en commun par les Instances des personnes et que l’on peut représenter comme un ensemble de vecteurs rayonnants, comme sur une boussole, autour d’un centre.
L’un ou l’autre de ces Sens peut être prédominant. Alors ses manifestations, c’est-à-dire l’univers de la communauté apparaîtra comme animé de ce Sens, orienté dans ce Sens, expliqué par ce Sens.
On conçoit alors que la détermination de ce Sens soit de la plus grande importance pour la vie de la communauté.
Le Sens de son avenir, de son développement, de ses ambitions, la logique de son organisation, ses actions, entreprises et réalisations, la signification des réalités qui sont les siennes, celles de son environnement, le Sens de son histoire : tout cela est lié autour de ce Sens privilégié qui constitue la colonne vertébrale, l’axe de cohérence de son destin.
Une communauté humaine trouve sa permanence dans la permanence du conSensus sur un ensemble de Sens. Cependant, selon les lieux et les périodes, le Sens prédominant peut changer. C’est là que se joue la responsabilité de ses dirigeants.
Sur le plan manifeste, l’univers de la communauté est celui dans lequel vivent ses membres. C’est le "monde" pour eux.
Ce monde, la théorie des Cohérences Humaines en montre les dimensions dans l’expérience humaine. La structure cohérencielle les décrit.
On retrouve dans ce schéma trois plans de la réalité humaine.
Le plan factuel auquel l’individu participe surtout corporellement (conjonction objet/projet). Le plan représentatif où il se retrouve mentalement (conjonction sujet/projet). Le plan relatif où il est investi affectivement (conjonction sujet/objet).
Chacun de ces trois plans est simultanément mode d’existence individuelle et champ d’existence commun, univers de la communauté.
Ainsi les communautés humaines peuvent-elles être décrites dans leur réalité cohérencielle où se joue leur existence, mais expliquées par leur consensus et singulièrement le Sens qui prédomine.
Il faut noter enfin que ce consensus n’a pas d’autre lieu que l’Instance des personnes qui les partagent, c’est pourquoi les communautés humaines ne sont pas des personnes même si, par quelque aspect, elles leur ressemblent parce qu’elles sont de nature humaine.
2 – LES AGES ET LES ESPACES DES COMMUNAUTES
L’une de ces ressemblances est d’ailleurs celle de l’évolution et des âges des communautés humaines. Sans rentrer dans tous les fondements que la théorie des Cohérences Humaines éclaire, on remarquera trois âges qui se caractérisent chacun par un niveau d’intégration (ou de maîtrise) de son existence différent.
Un premier niveau correspond au plan factuel . La communauté est surtout une cohabitation où ce sont les arrangements réciproques, les préoccupations économiques, matérielles qui prédominent. C’est le mode primaire d’existence des communautés humaines, aux vues limitées à l’immédiat.
Un second niveau correspond au plan représentatif. La communauté accède à une représentation collective, une identité, une élaboration de règles, rapports, statuts qui dresse un tableau à la fois stabilisateur et évolutif de la réalité commune. C’est l’ère du droit, de la loi, des systèmes formels de représentations par lesquels sont notamment régies les affaires du plan factuel. Ce niveau secondaire développe une vision stratégique et de ce fait est aux prises avec des projets et projections de son avenir ce qui n’est pas le cas au niveau primaire.
Un troisième niveau correspond au plan relatif . Il surajoute la maîtrise d’une intention commune, et donc d’un Sens à l’histoire de la communauté. C’est le niveau tertiaire véritablement politique où ce sont les rôles, les responsabilités, les engagements réciproques qui forment le terrain d’existence privilégié de la communauté ou plutôt celui où elle maîtrise la conduite de son existence.
Les communautés existent selon ces trois espaces où, à chaque fois, elles conçoivent l’essentiel de leur existence.
Au stade primaire, elles forment un groupement d’intérêts matériels, physiques.
Au stade secondaire, elles constituent une société de "citoyens", s’inscrivant dans un même système de représentations.
Au stade tertiaire, il s’agit plus clairement d’une communauté de personnes où les responsabilités réciproques s’investissent dans une commune ambition.
Ce sont trois niveaux d’appréhension complémentaires des communautés humaines, hiérarchisés selon leur degré d’évolution de conscience et de maîtrise.
De nombreuses difficultés proviennent du décalage entre les niveaux d’appréhension et donc de dialogue. Une hiérarchie des repères est vitale alors que, l’ayant ignoré, le Sens de l’évolution se perd et paradoxalement les préoccupations primaires (économiques) en viennent à dominer des communautés qui ont été très avancées mais se sont égarées en chemin.
Rappelons à ce stade que les communautés dont il s’agit sont aussi bien des nations, des régions, des cités que des entreprises, des collectivités de toutes sortes, des familles ou même l’Europe et jusqu’à la communauté humaine toute entière.
IV – LA THEORIE DES COHERENCES CULTURELLES
La notion de culture est à rapprocher de celle de communauté humaine. On peut dire ici que la culture est la qualification de la communauté.
Cette qualification est à prendre aux deux niveaux. Celui d’une personnalité culturelle et celui de ses manifestations qui l’identifient. Le parallèle est à faire avec la personne où on peut, d’un côté, parler de sa personnalité et, de l’autre, de ses manifestations au travers de son existence individuelle.
La notion de culture, dont nous avons ici amorcé une définition, fait par ailleurs l’objet d’un très grand nombre de conceptions dont la diversité a été souvent signalée. On peut même s’apercevoir que dans les mêmes discours, le terme est utilisé dans des sens très différents. Néanmoins, l’importance du souci des cultures, de la culture propre des communautés humaines, est de plus en plus grand en même temps que l’on doit souligner l’échec effectif de nombreuses tentatives de la prendre en compte.
Il faut là toute la profondeur d’une anthropologie fondamentale pour établir de nouveaux fondements à la question de culture. Ils permettent d’en tirer une grande fécondité sur le plan de la connaissance et la compréhension des cultures, mais aussi sur le plan pratique et opérationnel de l’orientation de l’avenir et de stratégies culturellement fondées.
On s’est trop souvent contenté d’un flou dans cette réflexion si bien qu’on en est venu à se satisfaire d’une carence quasi systématique au niveau de l’action qui n’est pas sans effet dans la pensée des problèmes.
Si, comme nous le soulignons en introduction, les questions du collectif s’abîment dans l’abstraction et, au mieux, restent à la surface des choses, c’est bien aussi faute de profondeur de l’ancrage conceptuel, de la conscience et de la maîtrise en la matière.
Une théorie des Cohérences Culturelles est possible à partir d’une anthropologie fondamentale. Elle est d’un apport décisif dans la façon d’approcher les problèmes collectifs dans une logique de communauté.
1 – LA CULTURE : UNE PART D’HUMANITE
La culture d’une communauté se qualifie d’abord par le conSensus qui la fonde. C’est une qualification intrinsèque. Ce consensus est mise en commun d’un ensemble de Sens, rayonnant autour d’un centre. De tels ensembles de Sens constituent le patrimoine d’humanité des Instances humaines.
C’est donc une part de l’humanité personnelle qui est investit dans le consensus de telle communauté auxquelles les personnes participent. Les mêmes personnes peuvent aussi investir une autre part de leur humanité dans une autre communauté. De même qu’elles peuvent être membres de plusieurs communautés, les personnes appartiennent à plusieurs cultures.
Ainsi, les cultures des communautés humaines sont-elles qualifiées par la part d’humanité spécifique qui y est investie.
Si toute l’humanité réside en chaque homme, y résident ainsi les racines de toutes les cultures humaines. Cependant, la prégnance de celles qui sont familières est bien plus grande, d’où un sentiment de proximité tout intérieur. Par contre, les cultures étrangères paraissent plus lointaines, d’une distance toute intérieure elle aussi. A la géographie des cultures correspond une topique, intérieure aux Instances humaines.
La part d’humanité que représente une culture se comprend encore autrement. Les hommes se répartissent en plusieurs cultures et chacune a une part de la réalité humaine. Ces parts sont complémentaires, l’ensemble formant l’humanité entière dans le temps et dans l’espace.
L’identification différentielle des cultures est la qualification de cette répartition. Elle peut être caractérisée par un territoire, une langue, une religion mais aussi tout autre critère discriminant.
On a beaucoup glosé sur la question de savoir quelles étaient les critères de différenciation et les frontières entre cultures. La théorie des Cohérences Culturelles montre que ce n’est pas au niveau existentiel que se fait la discrimination et donc qu’il n’y a aucune bonne réponse en dehors de convenances particulières.
Ainsi, selon ses responsabilités on peut choisir le critère de discrimination le plus pertinent : territoire ou référence, juridiques, professionnelles, religieuses, etc.
Par contre, la différenciation intrinsèque est, elle, plus radicale. Cependant se situant au coeur des personnes, les distances entre elles relèvent d’un déplacement intérieur.
Les personnes au biculturalisme affirmé vivent cela mais tous nous pourrions le vivre si nous étions attentifs au fait que nous ne sommes pas tout à fait les mêmes lorsque nous sommes investis dans des groupes humains culturellement différents (par exemple tout simplement entre la communauté familiale et la communauté professionnelle).
Les cultures sont donc ainsi les différentes présentations de l’humanité de l’homme exposée dans des modes d’existence propre à chacune : son monde, sa réalité.
2 – LA PERSONNALITE CULTURELLE
L’ensemble de Sens spécifique qui permet le consensus d’une culture est ce à partir de quoi un ou des Sens particuliers sont donnés à l’existence propre de chaque culture. C’est là que toutes les particularités culturelles trouvent leur logique, leurs réactions, leurs représentations, etc.
Tout se passe comme si, derrière les comportements collectifs, l’histoire de la communauté, ses façons d’exister et d’évoluer, il y avait comme une personne avec sa personnalité particulière. Cette personnalité culturelle est le propre de toutes les communautés humaines, nations, cités, entreprises, familles, etc.
Cette personnalité culturelle est formé de multiples sens dont tel ou tel prédomine. Ce sont comme autant de traits de personnalité qui peuvent être même contradictoires. Selon celui qui prédomine alors c’est toute une histoire commune qui se déploie. Si c’est un autre alors c’est une autre logique qui est à l’oeuvre. A chaque fois, c’est toute l’existence de la culture qui en est marqué.
Le fait qu’un des Sens de la personnalité culturelle prédomine dans le consensus laisse apercevoir que les manifestations de cette culture vont se déployer et progresser dans ce Sens. C’est alors que l’on peut dire que la communauté "cultive" l’un de ses Sens, l’une de ses tendances potentielles, l’un de ses traits de caractère.
Ces traits de caractères on les attribuera d’ailleurs et à juste titre aux personnes de la communauté culturelle, en tant, néanmoins, qu’elles y sont effectivement investies.
La même personne peut "changer de caractère", en passant d’une communauté culturelle à une autre. De même au sein de telle culture, il peut aussi y avoir comme un changement de personnalité s’il y a changement de sens. On le voit bien lorsqu’une population, une entreprise par exemple, change de Sens alors on assiste à des changements dans la personnalité et le caractère de nombreuses personnes. Cela prend toute son importance lorsqu’il s’agit des dirigeants.
3 – L’IDENTITE CULTURELLE
Ces termes sont plus souvent employés sans que l’on sache très bien de quoi on parle. Nous définissons l’identité comme ce qui permet l’identification, c’est-à-dire ce qui permet de caractériser l’existence manifeste de la culture.
Sans aller plus au fond dans la réflexion, nous devons considérer deux aspects à la question.
Comme nous l’avons vu l’existence d’une communauté culturelle se manifeste selon différents plans :
Le factuel avec les faits, les usages, les comportements, les événements.
Le représentatif avec les signes, images, discours, mythes, langue, etc.
Le relatif avec ses rôles, ses modes relationnels, ses responsabilités, ses valeurs.
L’identité culturelle a déjà plusieurs visages parmi lesquels on peut en outre souligner des éléments particuliers à l’infini, les arts, la gastronomie, les comportements en situation particulière, etc.
Il est important de se soucier de la complémentarité de ces visages et aussi, selon le niveau d’évolution, lequel ou lesquels seront privilégiés dans une conscience collective identificatoire.
La seconde considération tient au fait qu’il peut y avoir changement de Sens et que la réalité existentielle de la culture en est profondément changée. Cela peut apparaître comme un changement d’identité qui accompagne un changement de Sens. C’est important dans les pratiques de changement. La fixation sur une identité particulière risque d’empêcher aussi les changement de sens nécessaires.
Par exemple si une région doit se redévelopper et changer pour cela de dynamique alors son identité devra aussi changer et il serait préjudiciable de favoriser certaines composantes identificatoires qui devraient être remises en question.
Il faut enfin noter que même si le Sens est stable dans la personnalité culturelle, les manifestations identifiantes dépendent aussi du contexte, celui des autres cultures si bien que les formes identificatoires peuvent changer selon la conjoncture sans changer de Sens.
C’est ainsi qu’une même culture ne trouvera jamais une stabilité d’identité et qu’il y a danger lorsqu’elle s’y essaie, confondant la forme et le Sens. C’est le cas notamment des intégrismes et des nationalismes que l’on connaît.
L’identité culturelle est indispensable pour la reconnaissance d’une culture, pour les autres et à ses propres yeux mais elle ne l’est que comme médiation, comme signes de reconnaissance de sa personnalité culturelle, de son Sens propre.
L’identité dans toutes ses facettes, ses métamorphoses, ses niveaux, ses mutations, ses transformations ne doit pas, au bout du compte, être prise pour critère déterminant mais seulement signe de reconnaissance, témoignage révélateur et significatif.
4 – CULTURE ET CIVILISATION
Comprendre ce qu’est une communauté humaine, ce qui la qualifie comme culture, les deux niveaux de cette qualification, personnalité et identités, ne suffit pas en épuiser le sujet.
Il faut entrer dans un nouveau registre, celui encore du Sens sous le mode de la question du bien, de la question de ce à quoi cela sert une culture.
Une réponse peut être donnée comme ceci : à cultiver le bien.
Ainsi on peut dire que, d’une part, la culture est la scène communautaire où se jouent les existences individuelles qui font partie intégrante de cette scène de l’existence humaine. Mais ce qui se joue là, a un but : l’accomplissement de l’homme.
Cependant si cet accomplissement implique en premier l’Instance, il se traduit par la participation individuelle au progrès commun. Le progrès commun est celui de la culture donc celui des individus aussi. Ce progrès de la culture est culture du progrès humain, individuel et collectif dans le sens d’une plus grande maîtrise, d’une évolution, d’une humanisation qui n’est rien d’autre que cette conscience et cette maîtrise des racines humaines de notre monde.
S’il s’agit de dominer la terre comme l’indique la Bible, il ne s’agit pas d’une maîtrise Nietzschéenne mais d’une reconnaissance progressive de l’humanité du monde et donc de la responsabilité des hommes sur leur existence et leur devenir.
La civilisation est une figure de cette marche en avant de l’humanité mais dont l’important est le Sens, celui par lequel les hommes acquièrent une plus grande maîtrise de leur humanité, cheminant vers leur accomplissement: la plénitude d’être humain.
C’est le Sens de l’éthique et celui de l’éminente dignité de l’homme.
Il y a donc, pour chaque culture, à cultiver le Sens du bien et ainsi réaliser l’humanité que représente l’oeuvre de civilisation.
On peut se demander où et pour qui cette "civilisation" de la culture. D’abord dans son espace, la communauté elle-même, qui n’a d’autre lieu véritable que les personnes de la communauté culturelle. Mais ensuite, à la mesure de sa civilisation, la culture rayonne de cette civilisation et facilite aux autres cultures leur propre civilisation.
L’erreur de croire qu’il n’y aurait qu’une culture, qu’une civilisation, continue à faire les mêmes ravages aujourd’hui au nom de l’économie, hier au nom du progrès humain. C’est un signe de grave régression malheureusement.
Les références incantatoires à la démocratie, idée d’un âge secondaire, ont pour effet surtout d’empêcher son dépassement, maintenant devenu nécessaire mais impensable dans ces conditions.
On en vient à préférer la régression économiste de la démocratie malgré ses impasses patentes à cette remise en question qui prépare son dépassement. C’est l’une des oeuvres de civilisation qui reste à accomplir. Cependant, il faut observer en vertu de ce qui précède que chaque culture apporte sa propre pierre au progrès humain selon sa part d’humanité.
5 – LA VOCATION CULTURELLE
Si la personnalité culturelle d’une communauté la qualifie et qu’elle est investie dans le Sens le meilleur, alors on peut se demander ce qu’est ce meilleur Sens tant sur le fond, dans le consensus des Instances, que sur la nature de sa culture, de son oeuvre civilisatrice.
On parlera alors de Vocation d’une communauté culturelle. Cela indique que l’existence de communautés n’est pas simplement justifié par la rencontre des personnes mais qu’elle a un rôle à jouer pour le monde des homes et l’humanité intérieure.
Chaque communauté culturelle est donc investie d’une Vocation qui, lui donne une sorte de mission vis-à-vis de ses membres comme vis-à-vis des autres peuples.
C’est une dimension qui est bien souvent présente, même dans les états modernes, mais plutôt sous le mode mythique que véritablement conceptualisé.
Dans cette perspective, il y a toute une série de questions qui surviennent
- Quels sont les fondements de cette vocation dans la part d’humanité où s’ancre la culture ?
- Comment caractériser cette vocation ?
- Comment cultiver cette vocation ?
Tout cela va, bien sûr, venir au coeur des problèmes de société, des questions actuelles les plus pressantes.
6 – LES CULTURES SONT EN CHARGE DE PROBLEMATIQUES
HUMAINES
L’ensemble de Sens faisant consensus et fondant une communauté culturelle est pris dans l’Instance des personnes qui y sont investies.
C’est, humainement parlant, le soubassement de tout un univers existentiel mais surtout, c’est comme un "carrefour de Sens" qui sous-tend cet univers.
Or, il est donnéà l’homme d’avoir à exercer sa liberté qui est liberté de Sens etpour cela la découvrir et la cultiver. Il y a en l’homme des Sens qui lui permettent uneprogression vers cette maîtrise et d’autres qui s’y opposent ou s’en écartent. C’est très précisémentce qui se joue à chaque carrefour de Sens.
C’est pour cela que l’on peut considérer qu’il s’agit du lieu, d’une problématique humaine, où il en va, soit de trouver et cultiver le bon Sens et ainsi la voie d’un accomplissement, soit de rester dans d’autres Sens qui, s’en écartant, seront jalonnés de toutes sortes d’errances.
S’il y a un meilleur Sens à chaque carrefour, il y a aussi les pires.
Ainsi, l’anthropologie fondamentale issue de la théorie des Cohérences Humaines montre l’enjeu humain de ces problématiques et ainsi celui des cultures où sont rassemblés des peuples entiers autour d’une même problématique humaine plus ou moins fondamentale.
On peut dire que chaque communauté culturelle est appelée à trouver et cultiver la voie de la résolution de cette problématique. C’est cela sa vocation.
De ce fait, on peut dire aussi que, dans son existence, chaque culture réalise le drame humain de cette problématique et ce, dans tous ses Sens. C’est ce qu’une analyse de Cohérences Culturelles éclaire en élucidant les Sens de ce carrefour problématique (cf. exemples en annexes).
La vie de la communauté traduit, selon les lieux et les temps, le Sens prédominant dans différentes conjonctures.
C’est toujours une certaine logique culturelle qui se déploie exprimée sous mille formes, mille péripéties, y compris toutes les formes les plus actuelles de la vie en société : politique, économie, développement, éducation, etc.
L’enjeu est donc pour chaque communauté culturelle de trouver et cultiver sa vocation. C’est l’enjeu véritable de tous les engagements et toutes les responsabilités dans toutes les communautés humaines.
Si, pour chaque culture, son existence s’explique par les différents Sens selon lesquels est prise la problématique humaine qu’elle a en charge, alors devant chaque situation, chaque problème, chaque projet, elle doit prendre une position inhérente à sa vocation propre pour considérer et engager les choses.
La communauté n’étant pas une personne, c’est aux responsables de le faire, en consensus avec la population concernée, du moins autant que possible.
7 – LES CARACTERISTIQUES D’UNE VOCATION CULTURELLE
De la définition que nous en avons faite, on peut tirer plusieurs conséquences liées tout simplement au mode d’expression de toute culture dans sa structure cohérencielle sachant que chaque dimension est investie dans la résolution de la problématique humaine visant à l’accomplissement des hommes.
Ainsi, il y a des critères factuels. La vocation s’exprime par des talents spécifiques qui s’expliquent ainsi en tant que culture collective d’une disposition humaine.
Ce talent, traduit en habileté, savoir-faire, usages, productions de tous ordres, s’évalue dans le Sens de cette vocation, c’est-à-dire par la contribution au bien commun.
Il y a des critères représentatifs. La vocation culturelle s’exprime par des visions, des expressions, des représentations, des conceptions, des sciences et des pensées, des projections, qui traduisent son intellection du monde, du sien, bien sûr, mais qui a toujours portée universelle en tant que touchant à une part d’humanité supportée par tous les hommes. Chacun reconnaîtra ce type d’apports des cultures. C’est aussi l’une des réductions traditionnelles de la notion de culture qui, du même coup, perd le discernement du Sens de sa vocation pour glorifier ses propres représentations indépendamment de leur valeur humaine.
Il y enfin des critères relatifs qui touchent aux rôles et responsabilités, aux oeuvres de civilisation et qui traduisent une maîtrise plus sûre de la vocation culturelle. Sont mis au premier rang, les projets, les ambitions qui visent justement à l’accomplissement de cette vocation en assumant des missions de services qui dépassent l’intérêt propre de la communauté. En cela la maturité d’expression de la vocation culturelle se traduit en responsabilité de la communauté, engagée vis-à-vis de ses membres et des autres communautés humaines.
Voici donc parmi d’autres les principaux critères selon lesquelles peut être qualifiée et donc identifiée la vocation culturelle d’une communauté humaine.
8 – COMMENT TROUVER ET CULTIVER UNE VOCATION ?
Chacun peut voir le bien à sa fenêtre, autrement dit, trouver toujours bien ce qui le conforte dans son Sens.
Ainsi les seules opinions sont invalides pour repérer ce qu’est la vocation culturelle des communautés. Qui connaît la vocation culturelle de la France, de l’Europe, du Maghreb, du Japon mais aussi de telle ou telle cité, entreprise ou organisation. Il y en a des intuitions justes mais souvent noyées dans la masse des opinions.
C’est là l’intérêt de la théorie de montrer les conditions de ce repérage. Il est lié à l’élucidation de la problématique humaine sous-jacente et au discernement de ses Sens.
C’est comme cela que l’on peut seulement comprendre quelle est la justification et la cohérence de cette vocation et, en même temps, repérer tout ce qui, dans l’histoire, en a été l’expression, ce qui, dans l’actualité, en est l’appui et ce qui, dans le futur, pourrait en être projeté comme ambition.
Les études de Cohérences Culturelles ont notamment cet objectif. La théorie des Cohérences Humaines offre de tels moyens méthodologiques et les techniques appropriées (cf. exemples en annexe).
Cependant, il ne faut pas oublier que l’évolution de cette communauté fait que le niveau d’expression de cette vocation est plus ou moins évolué : primaire, secondaire, tertiaire et qu’il faut en tenir compte :
- pour les références historiques,
- pour les projets sur le futur,
- pour le niveau de conscience dont elle est capable.
Il faut bien dire que le niveau de conscience qui touche au Sens et donc aux fondements de la culture commune doit être tertiaire, c’est-à-dire que, en deçà, n’existe pas de discernement propre suffisant et qu’il faut faire appel à des supports repérants.
C’est pour cela qu’une hiérarchie des niveaux de maîtrise des hommes est nécessaire, pour que soit cultivé un éclairage par des hommes plus avancés qui en sont capables ce qui justifie leur rôle et leur responsabilité. Ils auront alors à réaliser et désigner les repères et les voies de la culture de cette vocation.
Ils auront aussi à concevoir les modalités, stratégies, moyens par lesquels la communauté culturelle peut avancer selon sa vocation et qui sont fonction, d’une part, de sa personnalité culturelle donc de cette vocation et de la problématique humaine où elle se joue, et d’autre part, des conditions historiques, actuelles et conjoncturelles où se situent les actions.
Nous venons ainsi par cette notion de vocation culturelle de dessiner la voie selon laquelle les problèmes des communautés humaines doivent être pris, notamment dans l’actualité où ils sont les plus criants.