Les structures de la réalité et le réel

La réalité est un réalisé par l’homme comme l’objectivité est le fruit d’un acte d’objectivation qui réclame un sujet, une intention. L’Humanisme Méthodologique montre que si la réalité est un réalisé elle est réalisation de et par l’expérience humaine. Celle-ci est toujours celle d’un conSensus, expérience du Sens partagé avec les autres.

La réalité est l’univers dans lequel nous évoluons et dont nous faisons partie. Nos réalités sont pour nous chacun de ces univers particuliers où nous vivons et même chaque chose qui en fait partie et qui constitue aussi tout un univers avec lequel nous sommes en rapport. En effet, même la plus petite des choses peut-être étudiée, décomposée, comme les sciences nous le montrent, pour se révéler à chaque fois comme une réalité complexe.

Par ailleurs, nos réalités sont constituées d’aspects forts différents. Nous ne pouvons en exclure ni les aspects matériels, ni les images ou représentations qui nous habitent, ni les sentiments, émotions ou sensations que nous éprouvons. Notre existence est faite de toutes ces réalités particulières, mêlées dans des situations complexes où interviennent nos rapports aux autres et à nous-mêmes.

La connaissance de nos réalités fait l’objet de multiples sciences qui en sont souvent venues à s’exclure ou alors à tenter de se rejoindre par l’emploi d’un formalisme mathématique commun. Cependant, entre les sciences de la matière et celles de l’homme, entre les sciences naturelles et les sciences exactes, entre les sciences dures et les sciences molles, il n’y a guère d’unité. Notre réalité se trouve ainsi éclatée dans une mosaïque d’aspects dont le sens se perd.

La théorie des Cohérences Humaines vient là à propos pour établir une structure permettant de réunir entre eux tous les aspects de la réalité. Il s’agit de la structure cohérencielle.

Nous allons envisager ici la question à quatre niveaux différents :

– celui des rapports des réalités entre elles,
– celui de la structure cohérencielle de toute réalité,
– celui de la connaissance humaine des réalités,
– celui enfin du Réel de toutes ces réalités.

I – LES RAPPORTS DES REALITES ENTRE ELLES

Si je considère la pièce où je suis installé, c’est une réalité et pour la connaître je peux, par exemple, envisager son contenu et son environnement. Par rapport à la réalité de cette pièce ce sont des éléments secondaires. D’ailleurs, si je pousse l’analyse de cet univers qu’est cette pièce, tant par ce qui s’y rapporte dans l’intérieur, l’extérieur ou même dans le temps, je peux aller jusqu’aux confins de l’UNIVERS. En effet, poussant cette étude je peux en venir à examiner le bureau sur lequel je travaille, le papier sur le bureau, sa composition chimique, les molécules, les atomes, les particules qui le composent. De même, je peux situer cette pièce dans le contexte de la maison dont elle fait partie, elle-même, inscrite dans un quartier, une ville, une région, un pays, une planète jusqu’à l’univers. Dans la même perspective, je peux considérer la réalité présente de cette pièce comme provenant d’un passé et même d’un tissu d’histoires qui l’ont constituée dans son état actuel. Je peux en remonter les fils jusqu’à l’origine de l’univers.

Ainsi pour connaître parfaitement cette réalité, je serais amené par cercles successifs à dégager des réalités secondaires, périphériques et ce jusqu’aux confins de l’univers.

C’est l’une des traductions du principe d’interdépendance universelle de toutes réalités, de plus en plus reconnu.

Cependant, dans l’exemple précédent, cette interdépendance est hiérarchisé; au centre cette pièce, et à la périphérie des réalités secondaires de plus en plus périphériques.

Cette pièce comme réalité est donc ainsi mise au centre de l’univers et on pourrait montrer que, de proche en proche, rien n’échappe à cet univers au moins par un certain coté, qui le relie indirectement à cette pièce.

Chaque réalité ainsi est le centre de l’univers, d’un univers. Par exemple, si je considère maintenant une autre réalité celle de mon bureau, alors cette pièce en devient un élément secondaire périphérique et à partir de ce nouveau centre tout l’univers peut à nouveau être hiérarchisé.

Mais alors lesquelles de ces deux réalités, cette pièce et ce bureau est-elle la plus centrale, la plus secondaire ? C’est une question à laquelle il n’y a pas de réponse dans l’absolu. Il n’y a de réponse que relative au choix, à la position que je prends, au point de vue que j’adopte en posant l’un ou l’autre comme centre.

Une réalité se pose donc comme centrale chaque fois que je la considère, que j’y prête attention, l’inaugurant ainsi comme centre d’un monde qui s’étend à tout l’univers.

Deux réalités différentes sont donc, soit deux univers différents qui se croisent, soit elles sont hiérarchisées l’une par rapport à l’autre selon mon point de vue ou celui que partage un groupe humain.

Il faudra donc toujours, lorsqu’on parle de la réalité ou d’une réalité, lui donner un centre, en désigner le coeur. C’est ce que nous faisons en la nommant.

Nommer cette réalité « pièce », c’est pas la définir par opposition à autre chose, mais pointer le centre d’un univers que sa réalité constitue. C’est aussi la différencier de la réalité « bureau », soit comme autre centre d’univers, soit comme périphérie de la réalité précédente.

C’est ainsi que le bureau n’est pas la même réalité si je le considère en lui-même avec toute sa périphérie (dont la pièce) ou si je le considère comme élément périphérique de la pièce.

Il n’y a donc de réalité que relative à la considération initiale que j’en fait et de l’objet central que je pose.

Nous pourrions ainsi parler de « point de vue » et de chaque point de vue personnel ou collectif, c’est toute la réalité qui se déploie alentour mais une réalité différente selon les points de vue.

La théorie des Cohérences montrera que si chaque point de vue peut être désigné et donc centré sur un objet nommable, instaurant une réalité particulière, il peut être aussi caractérisé comme le lieu singulier d’où s’établit la considération de cet objet. Ce lieu, c’est une cohérence en l’homme, celle de toute la réalité considérée. C’est ce que nous développerons dans la quatrième partie.

II -LA STRUCTURE COHERENCIELLE DE TOUTE REALITE

Si, on l’a vu, toute réalité peut-être analysée dans une hiérarchisation d’éléments périphériques, elle peut être aussi décomposée en différents aspects dont la nature générale se retrouve dans toute réalité selon les modes particuliers à chacun.

La théorie des Cohérences montre avec la théorie de l’existence comment toute réalité s’instaure selon une structure ternaire : le cohérenciel.

Sans revenir ici sur l’origine de cette structure cohérencielle, on en décrira les dimensions et les composantes.

Trois dimensions se retrouvent donc dans toute réalité :
Une dimension subjective
Une dimension objective
Une dimension rationnelle

La dimension subjective est celle par laquelle la réalité en question est considérée comme existante, sa raison d’être, ce qui en fait l’originalité et l’identité propre.

Nous pourrions en effet considérer deux pièces, deux bureaux, mais ce qui fait que l’un n’est pas l’autre c’est que chacun ou chacune a une existence propre.

Cette existence propre est bien sur liée à cette considération dont nous sommes les auteurs. C’est comme cela que l’homme nomme les choses et en les nommant les réalise, leur confère la réalité.

La dimension subjective de toute réalité est donc à la fois son intimité propre de réalité particulière, et cette instauration par l’homme dans sa considération.

Par exemple, la réalité d’une entreprise comporte une dimension subjective qui est sa raison d’être, vocation qui lui est propre en même temps que motivation des entrepreneurs. La réalité de la matière est, dans sa dimension subjective, la force qui nous résiste et la tension par laquelle nous l’éprouvons (directement ou par quelqu’instrument interposé).

La dimension subjective de toute réalité est ce qui la caractérise en propre et qui se fonde dans notre propre subjectivité. Elle est toujours qualitative.

La dimension objective est celle que vise la science analytique classique. C’est sa distinction d’avec toute autre réalité et la distinction de ses éléments périphériques.

La réalité objective est cette dimension de la réalité par laquelle nous en considérons la composition. Nous pouvons alors inventorier et dénombrer ces composantes pour connaître objectivement la réalité en question. Tout peut être pris en compte dans l’analyse objective et se décompter.

La quantité donne la mesure particulière de chaque élément, des éléments entre eux et de leurs rapports qui constituent la composition même de la réalité, sa dimension objective.

Cependant, si nous déterminons toute la composition objective d’une réalité, cela ne suffit pas à dire c’est celle-là en particulier… Il faut y retrouver en outre la dimension subjective.

Inversement, sans cette dimension objective, la réalité reste intuitive et non pas concrète.

La dimension rationnelle . Toute réalité est la présence de quelque chose parmi d’autres réalités. Elle appartient toujours à une réalité plus large à laquelle elle participe, de même elle est toujours composée de réalités qui la construisent.

Il est donc toujours possible de définir une réalité par sa participation à un univers plus large qui serve alors de système de référence.

Sa position parmi d’autre réalité lui confère un espace, une étendue dans le champ des autres réalités du même univers de référence. Sa présence participe aussi d’une durée, étendue de temps dans le champ historique des autres réalités du même univers.

La présence spatio-temporelle est l’étendue de la réalité, rapportée aux autres réalités de l’univers de référence. C’est donc sa dimension rationnelle dans la mesure où la réalité en question s’explique par sa contribution, son rapport à d’autres réalités constituant ensemble une histoire dans un espace-temps.

Cette dimension de la réalité, on pourrait aussi l’appeler son « volume existentiel » qui prend sur un espace-temps plus large. C’est aussi son développement, son évolution, son extension, de même que l’événement qu’elle constitue dans l’univers auquel elle participe.

La dimension rationnelle est le produit de la dimension subjective, déterminant l’entité propre dans sa permanence et sa continuité, et de la dimension objective, distinguant et séparant les composantes périphériques de la réalité, l’établissant dans ses discontinuités. La dimension rationnelle intègre discontinuité et continuité dans le mouvement, l’évolution transformatrice qui caractérise la présence de toute réalité dans notre monde vivant et animé.

De cette analyse des trois dimensions de chaque réalité constituant son cohérenciel, nous pouvons apercevoir les dangers de réduction à l’une d’entre elle.

– Le subjectivisme qui peut tourner à l’animisme lorsque toute réalité en vient à être doué d’une âme et d’une existence propre absolue,

– L’objectivisme lorsqu’elle est ramenée à la combinaison d’éléments distincts en rapport les uns avec les autres,

– Le rationalisme lorsque la réalité n’est vue que par participation à un univers plus large qui en déterminerait la place et la fonction.

La structure cohérencielle permet d’intégrer les trois dimensions et de les articuler sans privilégier ou évacuer l’une ou l’autre. Elle permet de montrer comment la rationalité intègre sans les annuler la subjectivité et l’objectivité de toute réalité.

Ces trois dimensions n’épuisent pas la constitution des réalités de notre monde. Deux par deux, elles forment trois plans ou aspects qui appartiennent à toute réalité. La conjugaison des dimensions subjective et objective détermine l’ensemble des inter-relations entre les éléments discontinus qui constituent l’unité continue de chaque réalité.

Ces relations forment un faisceau de liaisons différenciées impliquées par la distinction des éléments et l’unité de leur appartenance. La différence est une relation de discontinuité dans une continuité, de distinction dans une unité, de séparation dans une union. C’est l’ensemble de ces relations qui potentialisent la dimension rationnelle étendue qui les actualise. C’est pourquoi ces relations sont assimilables à des différences de potentiel entre des éléments.

La conjonction de la dimension subjective et de la dimension rationnelle est la présentation de la réalité comme entité propre dans sa participation à une réalité plus large. C’est donc sa marque et son identité ou encore la forme de sa présence propre, son image ou son visage, trace de son existence particulière vis-à-vis de ce qui n’est pas elle, interface de la réalité particulière avec la réalité universelle où elle se place. C’est en quelque sorte sa surface visible, trace de sa présence dans un espace-temps.

Enfin la combinaison des dimensions objective et rationnelle confère à la réalité sa consistance physique, corporelle ou factuelle. Elle est posée là parmi d’autres réalités qu’elle constitue et qui la constituent et avec lesquelles elle est en interaction. La réalité se présente comme un fait, effet de causes, cause d’effets. Elle est produite ou se produit dans un processus d’interdépendances.

La corporéité de nos réalités est aussi l’effet produit par la résistance subjective qu’elles nous opposent.

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III – LA CONNAISSANCE HUMAINE DES REALITES

Chacune des trois dimensions et des trois plans de toute réalité n’existe que dans la connaissance que nous en avons qui est conscience ou « réalisation » de celle-ci.

La dimension subjective est intuitive. C’est par l’intuition que nous reconnaissons, en toute chose, du même que nous. Cette reconnaissance intuitive n’est rien d’autre que la reconnaissance intentionnelle de notre considération qui, comme on l’a vu, instaure toute réalité.

Ainsi ce qui nous indiffère a peu d’importance de « force de présence » ou de raison d’être pour nous. Cependant cet acte subjectif qu’est notre intentionalité et que reconnaît notre intuition nous constitue comme sujet de la réalité réalisée. Elle est notre, propre à nous-même et déterminée en nous. Cependant subjectivité ne veut pas dire arbitraire et nos réalités communes sont réalités d’une intersubjectivité dont les racines nous sont communément inconscientes. Ainsi les autres participent à la »force de présence » de nos réalités que notre subjectivité propre peut reconnaître intuitivement en y participant.

La dimension objective est analytique. C’est en nous distinguant d’une réalité que nous en faisons notre objet et qu’elle se distingue de ce qui n’est pas elle. Cette conscience objective est séparatrice. Elle coupe et ainsi établit des symétries et des antinomies. C’est en établissant des discontinuités que la réalité est décomposée en éléments distincts. Le nombre d’occurences de l’acte de division donne la quantité d’éléments,

Un pour distinguer l’objet,
Deux pour le décomposer en deux parties,
Etc…

Nous sommes sujet de la réalité dans sa dimension subjective et elle est à son tour notre objet dans sa dimension objective. Intuition et perception se complètent pour nous réunir et nous séparer de nos réalités.

La raison nous permet de rapporter une réalité à d’autres et d’expliquer son existence, par sa participation à une réalité plus vaste notamment. La raison nous permet d’accéder à la dimension rationnelle et nous donne la mesure de l’étendue relative de la réalité dans son univers de même que la compréhension de son histoire et son évolution (extension spatio-temporelle).

Il y a encore trois types de conscience qui nous permettent de réaliser la réalité.

Par la conscience sensible nous éprouvons les affectations réciproques des éléments avec nous. L’appréciation de ces relations différentielles et différenciées nous fait sentir l’aspect sensible de la réalité qui n’est en cela rien d’autre que l’éprouvé lui-même, relation sujet-objet d’affectation relative.

La conscience mentale nous procure les images et représentations de nos expériences. Ce sont les formes mêmes ou le visage de nos réalités. On peut dire que la forme des réalités est toujours imaginaire ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle n’existe pas. Par la pensée nous nous représentons les réalités et le monde des réalités ce qui constitue leur trace pour nous : imagination rationnelle propre et image structurée particulière, simultanément.

Enfin une conscience factuelle, réactionnelle même, nous permet le constat des faits et nous rend perceptible la corporéité des réalités. Cette corporéité n’est rien d’autre que cette conscience réactionnelle d’une résistance à nous-même dont l’effet est le fait même produit sur nous. La conscience factuelle nous implique spécifiquement dans notre corps et ses sens physiques.

Ainsi il y a corrélation entre la structure cohérencielle de toute réalité, la structure de conscience par laquelle nous la réalisons et la structure de la réalité humaine qui réalise et se réalise.

La réalité est réalisation de l’homme. C’est pour cela qu’elle lui est constructurelle comme le montre la structure cohérencielle commune. C’est cette communauté que la conscience révèle et qu’elle est même.

Cependant s’il y a corrélation homme-réalité, y-a-t-il symétrie entre les deux. Est-ce que l’homme est produit de la réalité ou la réalité produit de l’homme ?

Le fait qu’il y ait une réalité de l’homme dans notre réalité pourrait faire pencher pour la symétrie. Cependant la structure cohérencielle elle-même fait penser par analogie (ou transhomologie) à une dissymétrie à cause de celle sujet/objet.

IV -LE REEL DE TOUTE REALITE

La réalité est donc ce que nous réalisons personnellement par notre conscience et dont les dimensions et les plans sont ceux-là mêmes de notre propre réalité d’homme comme de toutes les réalités où nous nous inscrivons.

Cependant, cette structure cohérencielle ternaire a une source, une origine. Elle est la structure des manifestations que l’on appelle réalités et de notre existence même.

Les réalités existentielles sont les manifestations pour nous ou plutôt notre « réalisation » d’un réel qui se présente ainsi, d’un « ordre impliqué » qui s’explique ainsi (D. BOHM). Ce Réel est, simultanément, celui de nos réalités, de notre existence et de notre conscience et ce Réel nous le sommes en tant qu’être humain. Notre humanité si elle se réalise par notre existence ne s’y réduit pas. Elle est aussi l’être de cette existence, son Instance.

Cette Instance propre, personnelle, que nous sommes chacun n’a aucune consistance commune avec notre réalité ou une quelconque réalité, sa « matière » est le Sens ou plutôt les Sens rassemblés en complexes appelés cohérences (cf. la théorie de l’Instance et des Cohérences, « Au Coeur du Sujet », Editions de Poliphile 1986).

Les Sens et Cohérences de nos Instances n’ont aucune des caractéristiques de la réalité. Ils ne sont ni subjectifs, ni objectifs, ni rationnels mais l’origine du sujet, de l’objet et de la raison par lesquels ils se manifestent simultanément et selon le cohérenciel.

Ils ne sont ni affectifs ou sensibles, ni mentaux ou imaginaires, ni corporels ou physiques mais c’est comme cela qu’ils se réalisent dans la même structure cohérencielle.

Notons, du même coup, qu’ils ne sont pas dans l’espace et le temps qui appartiennent à l’ordre de la réalité, mais ils en sont à l’origine.

Le temps historique, indissociable de l’espace (EINSTEIN), est le produit d’une tension subjective et d’une distance objective, d’une tension continue et d’une interruption discontinue comme l’horloge le figure par son mécanisme :

tension x régulateur = mouvement circulaire.

Le temps et l’espace sont un mode de réalisation rationnelle de la réalité (causalité et explication historique ou topologique). Ils ne sont pas du Réel.

Le réel de chaque réalité est très précisément le lieu d’être particulier en notre Instance, point de vue de la considération qui est « réalisation » simultanée de notre existence dans l’existence de la réalité en question. (c’est ce que confirme l’étymologie du terme considération).

Ce lieu d’être est une cohérence dont les sens sont « activés » et qui s’actualisent en se « réalisant ». Un sens plus activé que les autres se réalisera dans l’intention particulière qui nous fait sujet, et dans ce que nous appelons vulgairement le sens de la réalité.

Cependant si nous sommes le Réel de toute réalité, nous ne le sommes pas tout seul.

Il faut en effet qu’il y ait « communion des sens » ou « consensus » (compris dans son étymologie).

C’est ce qui fait que nos réalités sont toujours partagées (communes) bien que le partage puisse être limité à quelques uns ou à une culture. C’est ce qui fait aussi que la réalité marque toujours la présence de l’autre, des autres et que nous n’en sommes que les co-auteurs.

La réalité nous résiste parce que nous n’en sommes jamais les possesseurs, ni les créateurs individuellement. Mais elle n’est réalité, pour nous, que si nous participons à sa réalisation, que si nous partageons les consensus réalisateurs, le Réel humain.

Le Réel est donc partage et participation, il est sens en l’homme et pour l’homme et de ce fait sa réalisation -la réalité- a sens pour l’homme et son devenir. En outre, si au-delà de la réalité et de sa connaissance, l’homme accède à une autre conscience, conscience des sens et cohérences de cette réalité, il atteint ainsi au Réel, à son Réel et à sa propre transcendance.

C’est aussi par là que se jouent liberté et responsabilité dont l’acte se réalise dans la conduite de nos réalités et de notre existence.

Tout le travail humain, vis-à-vis des réalités, implique le réel qui le sous-tend et le devenir de l’Instance de l’homme.

Lorsque nos réalités sont aimées pour leur réel commun, elles sont véritablement acte d’amour, d’un amour dans les modalités existentielles (affectives, mentales, physiques) ne sont que l’écho et dont la vérité se trouve en nos Instances dans ces consensus avec l’autre, les autres. L’amour est sens commun, être ensemble et ce par quoi la réalité advient.

Il reste à se demander qu’est-ce qui fait qu’il en aille ainsi.

Si l’homme est auteur de la réalité dont il est le réel, la réalisation est un mouvement d’existence dont l’énergie est l’activation même du sens. Cette énergie qu’est l’activation des sens en consensus, se traduit dans les différents modes existentiels de la réalité.

Il ne faut pas oublier que l’énergie c’est étymologiquement « ce qui meut », le principe du mouvement. Ce mouvement c’est celui des réalités où il prend différentes modalités ce qui amène quelquefois abusivement à multiplier les énergies suivant la diversité de ses manifestations.

Si le sens en l’Instance humaine était assimilé à l’Esprit (qui n’est ni l’intellect ou le mental mais les transcende) alors on pourrait dire que l’énergie est spirituelle, elle anime la réalité, elle est un autre nom de l’âme (spirituelle).

Mais cette énergie et les principes structurants de la réalité d’où proviennent-ils ? Rien ne s’oppose à ce qu’une création continue porte l’Instance de l’homme comme ses réalisations, le réel comme les réalités. Un Dieu créateur rendant l’homme co-auteur ? Alors la création de l’homme à l’image de Dieu, participant à la création prend un sens et la réalité une structure dont la ternarité n’est pas sans évoquer, mais en réduction, une autre trinité.

C’est donc deux niveaux de transcendance qu’il faut envisager, celle par laquelle s’instaurent Instance, Sens et Cohérences et donc le réel des consensus et celle par laquelle se réalisent les réalités.

La théorie de l’Instance et des Cohérences permet ainsi un double recul, celui, métaphysique, par lequel la réalité peut être envisagée dans sa genèse et, ici, par la structure cohérencielle, et celui, métalogique, par lequel le réel peut être appréhendé dans l’activation et l’actualisation des Sens en consensus.