De la vérité
La vérité se réfère à ce qui est du champ de notre expérience. S’affirme-t-elle de l’extérieur? Alors il faut dire comment nous pourrions en savoir quelque chose qui n’est pas de nous-mêmes, hommes. Bien sûr l’expérience ne peut pas se réduire à sa réalisation elle renvoie au Sens qui la transcende et au discernement qui peut y accéder.
Une courte réflexion à  poursuivre (bien avant l’affaire SOKAL).
  La vérité n’existe pas. Il n’existe que la vérité.  Voilà deux affirmations apparemment contradictoires mais  qui approchent la question de la vérité en deux  sens.
  Dans un certain sens, la vérité serait une conformité  objective à la réalité existante. Du même  coup le critère de vérité serait la réalité  objective, et celle-ci l’absolu de la vérité. La  vérité absolue s’identifierait donc avec la réalité  objective, l’existence des choses. C’est ce que nie l’expression  :"La vérité n’existe pas".
  En effet, la réalité existante n’est connue qu’en  tant que "connue"; tautologie qu’il ne faut pas oublier  comme le fait l’objectivisme.
  L’objectivisme comporte un double postulat :
  1) Les choses existent en elles-mêmes d’une façon  absolument indépendante de l’homme qui les considère
  2) La connaissance objective de l’homme tend à s’approcher  de la vérité, c’est-à-dire d’une conformité  parfaite avec l’existence propre de la chose.
  Mais ainsi le rôle de l’homme n’est-il pas défini  justement par l’imperfection de sa connaissance. La subjectivité  n’est alors rien d’autre que cette imperfection, cette insuffisance,  cet écart à la vérité objective.  Bien des thèses y placeront le lieu du sujet, inconscient,  néant, épiphénomène parasite, etc…  La vérité étant l’existant objectivement,  toute subjectivité, toute humanité donc, y est  relativisée comme manque sinon comme mal.
  Si on reprend les postulats de la vérité objective,  on doit atteindre deux constats :
  – la perfection de l’homme lorsqu’il atteint la vérité  absolue, c’est la conformité absolue de sa connaissance  avec l’existence intrinsèque de la chose, absolument indépendante  de lui. C’est donc l’atteinte d’une connaissance absolue indépendante  de son auteur. Voilà le paradoxe d’un sujet connaissant  dont le fruit : la connaissance, serait absolument indépendante  de son auteur. Il n’y a qu’une solution : la dénégation  de l’homme comme auteur de connaissance et l’idolâtrie  du fruit : la connaissance de l’homme comme vérité  absolue. C’est la solution de la dénégation de  l’être, de l’Instance transcendante de l’homme, du Sens  donc de toute connaissance. La vérité objective  n’a pas de Sens comme elle n’a pas d’auteur.
  – Le second constat confirme le premier. Si on applique à  l’homme lui-même le critère, c’est son existence  seule qui en est la réalité objective. Tout ce qui est objectivable de l’homme  est vérité de l’homme il n’y a pas de connaissance  humaine et de l’homme qui ne soit objective et ainsi toute subjectivité  et plus loin toute transcendance de l’homme, de son être  par rapport à son existence est non seulement méconnaissable  mais considérée comme critère de non vérité  absolue. L’être de l’homme, le sens, la transcendance de  l’Instance sont ainsi repoussoir de toute recherche de vérité  objective. Les méthodes de la recherche de "vérité"  objective (à ne pas confondre avec l’objectivité)  n’ont d’autre tâche que la mise en oeuvre de processus  de dénégation de l’être de l’homme et ainsi  de réduction à l’existence. Assimiler vérité  et réalité objective, c’est le meurtre de l’homme,  par l’homme. Mort de Dieu Mort de l’homme corrélatives  sont bel et bien l’oeuvre entreprise par les réalismes  idéalistes contemporains qui ont nom, scientismes, mécanismes,  etc.. reposant sur les postulats de l’objectivisme. La recherche  de la vérité dans l’existence en elle-même  des choses est oeuvre de dénégation de l’homme,  par l’homme.
  N’est-ce pas le sens du mal qui trouve dans cette vérité  là l’objectif suicidaire de l’humanité. L’un de  ses pièges destructeurs les plus efficace est le suivant.  La connaissance subjective sincère se voulant donc objective  ne pourra que se prendre pour critère de vérité.  Ainsi la sincérité (y compris dans l’erreur ) devient  critère absolu de vérité objective.
  Il n’est pas difficile d’imaginer qu’un autre puisse aussi construire  sa propre vérité objective absolument différente.  Qu’adviendra-t-il de leurs rapports ? Rien d’autre que la dénégation  de l’autre ou de soi-même en tant qu’être, auteurs  subjectifs de connaissances relatives.
  Cette "vérité" est non seulement meurtrière  de l’homme en soi qui n’y atteint que par un effort de méconnaissance  de lui-même mais aussi meurtrière de l’homme en  l’autre. La "Vérité objective", la Vérité  confondue avec l’existence est un crime contre l’Humanité,  un crime dont s’honorent les donneurs de vérité  du temps lorsqu’ils prétendent constater et décrire  objectivement l’existence des choses. La "Vérité"  devient alors l’instrument de la haine de l’homme pour l’homme.  Si toute vérité est ainsi objectivée en  haine comme un certain relativisme moderne le manifeste en compagnie  d’un absolutisme objectif qui est fanatisme totalitaire, c’est  tout accès à l’homme en vérité qui  est menacé de mort. Le légalisme objectivant tente  de vaincre ainsi l’humanité de l’homme en interdisant  l’accès à la connaissance de sa transcendance.
  Mais il y a aussi cette affirmation : "il n’existe que la  vérité". Dit autrement, il n’y a d’existence  qu’en vérité. Cela veut dire aussi que toute existence  est révélatrice, n’est que révélation  de l’homme pour l’homme. C’est bien l’inverse de l’autre vérité  : méconnaissance de l’homme pour l’homme.
  Cependant si l’existence de toute chose et de l’homme aussi sont  révélatrices, ce n’est que l’homme en tant qu’être  ou Instance transcendante qui est l’auteur de cette possibilité  de méconnaissance en prenant l’existence des choses comme  critère de vérité absolue, intrinsèque.
  C’est parmi les différents possibles qu’il comporte que  l’être de l’homme, son Instance, peut choisir celui qui  fait de l’existence révélation de l’homme à  lui-même. Ces différents possibles sont les Sens,  ses Sens, les Sens de tout existant. C’est aussi ce que toute  existence propose à révéler : les Sens,  ses Sens qui sont Sens de l’homme, Sens de son Instance. La vérité  (humaine) est Sens. Elle est tous les Sens en tant que reconnus  dans les existants qui les révèlent. Elle est l’un  ou quelques uns de ces Sens qui permettent cette révélation  de tous Sens, c’est-à-dire de l’homme à lui-même.
  Ainsi, il y a en l’homme, en son Instance des Sens qui l’entraînent  à se méconnaître : Sens du mal; des Sens  qui l’entraînent à se reconnaître en vérité  par le biais des existants : Sens de l’accomplissement, Sens  de la révélation…
  La Vérité, c’est l’homme en tant qu’Instance transcendante.  La vérité des choses existantes, c’est leurs Sens  en l’homme, pour l’homme, par l’homme. La vérité  de l’homme, c’est que l’homme est aussi de ces Sens qui le révèlent  à lui-même, qui lui révèlent l’être  en lui et le Sens de son devenir qui est justement dans ce Sens  de la révélation.
  Manifester l’Homme en Vérité, c’est pour l’homme  : tendre à être l’Homme juste c’est-à-dire  justifié par ces Sens là qu’il signifie.
  Victoire sur la loi de la vérité objective qui  condamne, par une foi en l’homme qui justifie, révélant  l’homme en vérité.